Par Giom
Une céramique éthique et durable
Comme dans tout processus de fabrication, il y a toujours des déchets. Mais l’avantage avec le travail de la terre, c’est que tant qu’elle n’a pas été cuite, elle est recyclable quasiment à l’infinie ! Je vous propose un petit tour d’horizon pour tout comprendre. Suivez-moi dans mon atelier situé en Alsace !
Alors pour commencer, voici à quoi ressemblent les alentours immédiats de mon tour ! Des grandes poubelles de terre de toutes les couleurs… car comme je n’ai jamais choisi la facilité, je tourne plusieurs terres… et donc si je veux recycler, il faut que je trie mes déchets pour conserver des terres propres et non mélangées pour la suite.
Sur la gauche, vous avez le Grès de Saint-Amand-en-Puisaye (celui que j’utilise pour ma Collection Bronze notamment). C’est un grès de tournage très sympathique… et c’est donc celui que j’utilise également le plus… donc pour lequel j’ai énormément de déchets ! Le petit seau contient du Grès Blanc de Dordogne. Ensuite, les deux poubelles avec du grès brun contiennent le Grès de Dordogne que j’utilise pour ma Collection Port-Anna.
Le gros du gros des déchets vient donc pendant le tournage, car c’est aussi ce que je pratique le plus. Pour que ce soit plus simple à comprendre, voici une photo du seau dans lequel j’ai mis mes déchets pendant toute une journée de travail.
Comme il y a plusieurs étapes lors du tournage, il y a également plusieurs moments où on a des déchets. Vous retrouvez à peu près toutes les étapes ci-dessus, que je vais essayer de vous expliquer :
Avant de recycler la terre, il faut impérativement la stocker dans des conditions qui permettent sa conservation. Soit on ne conserve que des déchets de terre qu’on laisse sécher, pour ensuite les réhumidifier, puis obtenir une pâte homogène, soit on conserve l’humidité naturelle de la terre lorsqu’on mélange les différents déchets. Personnellement, je veille à ce qu’il y ait toujours suffisamment d’humidité dans mes poubelles de terre, de manière à ne pas avoir besoin de les réhumidifier à chaque fois.
Ensuite, soit on procède à la main, et dans ce cas, il faut étaler la terre sur une surface plane pour la faire sécher (idéalement une plaque de plâtre qui va réguler progressivement son taux d’humidité), puis on la malaxe et la mélange pour en chasser toutes les bulles d’air. C’est une technique qui demande la maîtrise des gestes de bases du travail de la terre, mais qui n’est pas particulièrement compliquée. Elle demande simplement beaucoup de temps (et accessoirement beaucoup de surface pour pouvoir étaler la terre pour qu’elle sèche). Ensuite, il reste à remettre la terre en sacs ou dans des grands bacs pour pouvoir ensuite l’utiliser petit à petit pour de nouvelles créations.
En début d’année 2020, j’ai eu l’idée d’acquérir une boudineuse désaéreuse pour pouvoir recycler ma terre plus rapidement, et donc gagner un temps précieux. J’ai donc lancé un financement participatif auprès de ma communauté. A cette occasion, j’avais réalisé un petit clip qui expliquait en quelques mots l’intérêt de cette machine !
Voici donc comment cette machine fonctionne, en me faisant gagner un temps précieux. Voici à quoi ressemblent les déchets de terre que je mets de côté au fur et à mesure : il y a donc des morceaux plus ou moins durs, et d’autres plus ou moins humides, tous rassemblés dans des seaux ou des sacs hermétiques pour qu’ils ne sèchent pas.
Donc on introduit tout ça dans la machine en veillant à mélanger au mieux les textures des différentes terres et il en ressort en quelques minutes un boudin tout lisse et tout propre, sans bulles d’air car un compresseur a aspiré l’air contenu dans la terre en faisant le vide dans le tube.
Et cette terre est comme neuve : elle peut être réutilisée comme s’il s’agissait de terre extraite de la carrière et que je reçois dans des sacs en plastique. Pour vous donner une idée du gain de temps permis grâce à cette boudineuse-désaéreuse, voici ce qui peut être recyclé en une session : il y avait 4 sacs de 15kg environ. En temps normal et à la main, je mettrais environ 1 journée à recycler ces 60kg : d’abord les laisser sécher, puis mélanger les terres à la main, et enfin les travailler encore et encore pour en chasser l’air. Grâce à la machine, on y passe seulement 30 minutes !!!!
Et bien grâce à cette technique de recyclage et à l’attention portée à la valorisation des déchets dans l’atelier, on ne jette quasiment rien. Avec une production d’environ 2 tonnes de terre par an, on jette seulement quelques kilos de terre (environ 2 sacs poubelles de 100l par an) : il s’agit principalement de terre qui a été mélangée à du plâtre et n’est plus utilisable en l’état, ou de terre mélangée, mais également de pièces qui ont cassé lors des cuissons.
Et oui, la terre est précieuse dans tous les sens du terme. Et s’engager dans une fabrication vertueuse veut également dire être attentif à ce qu’on fait de ses déchets. Alors oui, c’est une démarche qui demande un investissement, mais c’est également une question d’engagement et de conviction, d’éthique pour notre petit atelier qui permet ainsi d’aller au bout du bout de notre démarche de création.